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La Presse de Tunisie



Terre promise texane, de Safieddine Bouali



Hommage aux oliviers de la Palestine 
Une séance de dédicace a eu lieu vendredi dernier à la librairie Art Libris (Le Kram). Nous n’avons lu, jusque-là, que le tiers du roman (530 pages!). Un véritable pavé édité à compte d’auteur chez Simpact, et que nous venons (à peine sorti) de recevoir des mains propres de l’auteur, Safieddine Bouali.
Safieddine est le frère jumeau du photographe Hamideddine et dont le père n’est autre que le célèbre historien et défenseur acharné du patrimoine tunisien Mahmoud Bouali. Safieddine est enseignant en économie, à l’université de Tunis, et il s’agit là de son premier roman, sorte de saga mystique et de polar des temps d’aujourd’hui mêlés où comme le disait Georges Simenon: «Tout est vrai, tout a été vécu» et «J’ai envie d’ajouter: pour rien». Ce «tout a été vécu pour rien», justement, c’est le thème essentiel de ce gros pavé d’été que l’auteur très inspiré (surtout par l’éducation du père spécialiste dans le domaine des éphémérides) a intitulé Terre promise texane avec en sous-titre «Sur les traces de Columbia».
La couverture, montage de deux images de la Nasa, représente en arrière-plan la Palestine et le Sinaï survolés par la navette spatiale Columbia.
N’eût été le terme de «roman» flanqué en bas de couverture, le lecteur aurait du mal à s’imaginer là, d’une création de l’esprit dans la plus pure tradition romanesque à l’anglaise (ou anglo-saxonne) ou même à la française. Pourtant, tout est vrai et même réel dans ce livre. A commencer par le crash de la navette spatiale Columbia, le 1er février 2003, avec ses traînées incandescentes et la récupération des débris de celle-ci, dans la petite ville texane de Palestine (Palestine Texas City, 18.042 habitants) et l’éventail de toutes les autres communautés et dont les patronymes rappellent ceux du creuset des religions méditerranéennes : Garza (pour Ghaza?), Nazareth, Hebron, Canaan, Bethlehem, Zion Grove, Jéricho, Galilée Mount Zion, Columbus, San Antonio.
Tous ces lieux existent bel et bien, qu’il s’agisse de petites villes, bourgades ou de simples lieux comme ce «Désert» près de Canaan.
L’auteur Safieddine a donc imaginé une contre-enquête à partir de l’accident de cette navette à bord de laquelle se trouvaient sept membres (chiffre kabbalistique) de l’équipage du vol STS-107de Columbia(*) à cause de l’un d’eux : le colonel Ilan Ramon, premier astronaute de l’Etat d’Israël, que l’on voit d’ailleurs (p.297) dans une capture d’écran encore à bord de Columbia, brandir le livre des Psaumes de David pour affirmer la supériorité de l’Etat d’Israël même sur le monde entier. Alors, alors que dans le Psaume 107 (autre chiffre kabbalistique cité par l’auteur : «Ils montaient (les astronautes, donc) vers les cieux, ils descendaient dans l’abîme. Leur âme était éperdue en face du danger.
Saisi de vertige, ils chancelaient comme un homme ivre…». etc, tout disait le contraire. 
C’est à ce «jeu» d’enquête et de contre-enquête que Safieddine Bouali nous introduit dans cet univers de recherches et d’interrogations stupéfiantes pour un romancier débutant — et quel romancier pour ce premier livre! — et pour cet amour sacré de la Vraie Palestine (et non celle imaginée à travers l’American Way of Life).
D’ailleurs, du prologue à l’épilogue en passant par tous ces courts chapitres «clic-clac» (comme des séquences d’un film), il n’a de cesse de nous rappeler que contrairement à ce qui a été imaginé et concrétisé par Balfour, l’Etat d’Israël aurait dû s’ancrer définitivement au Texas et non en terre de Palestine «terre d’exil» ‘‘homeland’’ que Christophe Colomb cherchait (déjà) pour les juifs expulsés d’Espagne par les rois catholiques.
Aujourd’hui, le drapeau de «Texaël» imaginé par Gil Tamir, protagoniste de ce roman un peu fiction mais beaucoup réaliste flotte toujours sur l’Etat des Bush et consorts, une terre judéo-chrétienne où, comme le disait David Ben Gourion, fondateur de l’Etat d’Israël «nous n’avons pas d’affinités avec les Arabes». Et d’ajouter : «Notre régime, notre culture et nos rapports ne sont pas issus de cette région».
Pourtant, Albert Einstein avait déjà prévenu du heurt du judaïsme à l’idée d’un Etat juif avec ses frontières, son armée et son pouvoir temporel. «Je crains, disait-il, les dommages internes que le judaïsme subira du développement dans nos rangs d’un nationalisme étroit…»
Bady BEN NACEUR
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(*) David Brown, Rick Husband, Laurel Clark, Kalpana Chawla, Michael Anderson, William McCool et Ilan Ramon

Source: La Presse du 21 juillet  2008




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